Une réponse répressive à une crise politico-économique

Une réponse répressive à une crise politico-économique

La Tunisie traverse aujourd’hui une phase critique de son processus de transition vers la liberté, la dignité et la démocratie, déclenchée par la Révolution de 2011, et ce en raison de l’action politique bien décevante de ses élites politiques. Ces élites ont échoué à répondre adéquatement aux attentes des tunisiennes et des tunisiens : elles ont failli à faire face à la corruption, ont perpétué une politique d’impunité et d’inégalité dans et devant la loi et ont oeuvré à paralyser le processus de la justice transitionnelle, en s’engageant dans des conflits politiques et idéologiques, plutôt que de poursuivre les aspirations de la Révolution.

Les expressions de colère de divers groupes sociaux, qui envahissent les quartiers des zones urbaines et rurales, ne sont rien d’autre qu’une traduction de la violence, de la répression, de la stigmatisation et de la poursuite des politiques de marginalisation et d’appauvrissement qu’ont subi et que continuent de subir ces groupes. La colère qui monte, les voix qui scandent, exigent la réalisation des revendications révolutionnaires, représentées par la justice sociale, la dignité, le respect des droits humains et de l’Etat de droit, l’éradication de la corruption et le remplacement des politiques de développement défaillantes par des politiques plus efficaces et plus justes, ce que les forces civiles et sociales et les mouvements de jeunes ne cessent d’appeler à mettre en place depuis désormais 10 ans.

Le refus de l’État de reconnaître effectivement les droits de tous les individus, de consacrer le principe de leur égalité dans et devant la loi, sa reconnaissance restrictive et formelle de certains droits civils de ses citoyennes et citoyens en occultant leurs droits économiques et sociaux, sans mécanismes effectifs de juste répartition des richesses, sans volonté véritable pour faire face à la corruption et l’impunité, sa réticence à reconnaître et respecter leur dignité, tous ces points, miroités par les mesures restrictives et défaillantes adoptées pour faire face à la pandémie, le transforment en un État autoritaire à la façade démocratique.

Les organisations signataires:

  • Expriment leur indignation face au cours actuel que prend la situation, suite à l’échec de toute une classe politique et d’un État avec l’entièreté de son appareil à assumer leur rôle principal d’assurer les droits les plus élémentaires constitutifs d’une à vie décente pour ses citoyennes et citoyens ; et en instaurant la justice et l’égalité en réponse aux aspirations de la Révolution ;
  • Réitèrent leur soutien aux forces vives représentées par les jeunes et citoyens et citoyennes engagés pour la démocratie, dans la poursuite de leurs luttes et dans le cadre du respect de la propriété publique et privée, afin qu’elles demeurent une force de pression continue sur le système de gouvernance, le poussant à revoir ses politiques de développement, à faire face à la corruption et à respecter les droits et les libertés individuelles ;
  • Condamnent et mettent en garde contre les conséquences des violentes pratiques sécuritaires à l’égard des manifestations récentes, les arrestations arbitraires ainsi que les arrestations sur la base de publications dans les réseaux sociaux traitant de la situation sociale du pays ; pratiques qui ne feront qu’alimenter la colère de la rue contre le système sécuritaire et aggraver la crise de rejet envers l’État ; et qui constituent une violation flagrante de la liberté d’expression, en totale incompatibilité avec les piliers de l’État de droit ;
  • Appellent les autorités judiciaires à assumer leurs responsabilités et à ouvrir une enquête sur les pratiques sécuritaires portant atteinte aux droits des personnes et des nombreux mineurs arrêtés, les soumettant à de mauvais traitements et abusant de leurs données personnelles en diffusant intentionnellement des photos de détenus mineurs sur les réseaux sociaux ;
  • Appellent instamment la classe politique à se consacrer à la résolution des préoccupations du pays et du peuple, au lieu de sombrer davantage dans des calculs politiques, d’inciter à la violence, à la haine et à la discrimination entre les citoyennes et les citoyens sur la base de loyautés partisanes ;
  • Font porter au gouvernement tunisien et aux autorités la responsabilité des conséquences de leurs politiques économiques et sociales qui n’ont su que poursuivre le mêmes modèle économique, qui n’a produit que chômage, augmentation de la pauvreté et de profondes inégalités ; et elles les invitent à revoir ses politiques à travers des choix fiscaux équitables et une réponse efficace et effective à la corruption ;
  • Expriment leur solidarité avec les nombreux et nombreuses journalistes à la suite du harcèlement dont ils ont fait l’objet en raison de leur couverture médiatiques des événements récents, et exigent du ministère de l’Intérieur qu’il assume sa responsabilité dans la protection des journalistes pendant l’exercice de leur travail, et exigent qu’il prenne toutes les mesures de protection au profit des journalistes victimes de harcèlement et de menaces ;
  • Annoncent qu’elles ont mis en place un mécanisme de soutien juridique et de monitoring visant à veiller au respect du droit inaliénable et universel au procès équitable tel que stipulé par la Constitution tunisienne.

Les associations signataires tiendront, ainsi, une conférence de presse le jeudi 21 juin 2021, à 10h du matin au siège du Syndicat National des Journalistes Tunisiens, afin d’exposer leur position à propos des récentes manifestations et la gestion politique et sécuritaire de cette crise.

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