Lucile Falgeyrac : Mettre fin aux super-droits et à la justice privée des multinationales !
Né dans les années 60, le système international de protection des investissements est un système néo-colonial, pensé à l’origine pour permettre aux pays du Nord de continuer à s’assurer de l’accès de leurs entreprises aux matières premières du Sud. D’abord conçu comme une forme d’assurance publique contre les nationalisations de gouvernements nouvellement indépendants, il s’est progressivement étendu, et est aujourd’hui le joyau de la couronne des multinationales et riches investisseurs.
Le système de Règlement des Différends entre Investisseurs et États (RDIE, ou ISDS en anglais) offre des droits exorbitants aux entreprises, et permet à trois arbitres, souvent eux-mêmes avocats d’entreprise, de trancher les litiges entre investisseurs et États hors des systèmes juridiques nationaux. Les États peuvent être ordonnés de payer des sommes considérables d’argent public (jusqu’à plusieurs milliards de dollars !) si une nouvelle loi ou décision des tribunaux nationaux est estimée porter atteinte aux profits actuels ou envisagés de l’entreprise contrariée. Tout type de mesures ont déjà été attaquées – lois ou réglementations visant à protéger l’environnement, le climat ou la santé, tentatives des gouvernements de faire payer leur juste part d’impôts aux multinationales, mesures sociales, etc…
Dans ce système à sens unique, les États et citoyens n’ont aucun droit : ni protection, ni accès à une justice d’exception. Seuls les acteurs les plus puissants de la mondialisation, les multinationales et les investisseurs internationaux, reçoivent ces privilèges.
Le système international de projection des investissements est injuste et inutile. Il traverse actuellement une crise profonde, contesté par les mouvements sociaux du Nord et du Sud, et par une liste croissante de gouvernements – de l’Afrique du Sud à l’Inde à l’Indonésie, et de manière surprenante, par les États-Unis dans le cadre de la renégociation de l’ALENA.
En Europe, le RDIE est la cible principale des opposants aux accords de libre-échange de nouvelle génération. Devant cette fronde, l’UE cherche actuellement à relégitimiser le système en mettant fin aux panels d’arbitrage ad-hoc des traités passés, et en les transformant en une cour internationale publique réservée aux investisseurs. Cette proposition ne remet pas en question les privilèges des multinationales, elle les renforce et les institutionnalise.
Les mouvements sociaux européens préparent une grande campagne contre le RDIE en 2019, afin d’empêcher ce sauvetage et de mettre fin à l’expansion du système une fois pour toute.