Lettre ouverte au premier ministre pour l’adoption d’une politique féministe dans la lutte contre l’épidémie du COVID-19

Lettre ouverte au premier ministre pour l’adoption d’une politique féministe dans la lutte contre l’épidémie du COVID-19

Tunis le 7 avril 2020

Lettre ouverte de la société civile à Monsieur

le Premier ministre, M. Elyes Fakhfakh

Objet: Appel urgent pour l’adoption d’une politique féministe dans la lutte contre l’épidémie du COVID-19

Monsieur le Premier ministre,

Nous sommes honoré(e)s de partager avec vous la déclaration collective sur l’adoption d’une politique féministe pour lutter contre l’épidémie de COVID-19 élaborée par la Feminists Alliance for Rights (FAR) signée des associations  féministes tunisiennes et près de 1160 militantes, activistes, réseaux et organisations de femmes dans le monde entier. Cette déclaration lancée par des femmes des pays du Sud et des communautés marginalisées du Nord vise à adopter une politique féministe pour lutter contre les effets de l’épidémie de COVID-19 dans tous les domaines liés à la sécurité alimentaire, aux soins de santé, à l’éducation, aux inégalités sociales et économiques et à la violence à l’égard des femmes.

 Ci-dessous sont listées les recommandations les plus importantes issues de cette déclaration :

  • 1-Donner la priorité aux besoins des personnes en situation de vulnérabilité, y compris les femmes, les enfants, les personnes âgées, la communauté LGBTQI++, les personnes handicapées, les personnes ayant des problèmes de santé, les personnes vivant en milieu rural, les sans-abri, les réfugié(e)s, les migrant(e)s, les apatrides…
  • 2-Fournir un soutien social et financier nécessaire à tous les groupes vulnérables, à savoir les personnes âgées, les personnes handicapées et les sans emploi afin de leur permettre de subvenir à leurs besoins essentiels et leur faciliter les procédures pour qu’elles/ils puissent remplir leurs obligations financières durant cette période de crise.
  • 3-Assurer la sécurité alimentaire dans toutes les régions et les zones pauvres et rurales dans lesquelles les femmes ne bénéficient pas d’un pouvoir d’achat suffisant et n’ont pas accès aux centres-villes où se trouvent les principaux marchés. Ceci peut être fait en accordant des subventions alimentaires, en particulier de denrées non périssables et en élargissant le champ de distribution pour ainsi inclure les groupes devenus vulnérables à cause de la pandémie.
  • 4-Résoudre les problèmes d’assainissement dans les zones rurales et isolées et garantir l’accès des femmes à l’eau dans ces mêmes zones.
  • 5- Préparer des programmes de révision pour les élèves et les étudiant(e)s pour qu’ils/elles restent à jour
    dans leur scolarité malgré l’interruption des cours et faire contribuer leurs parents dans ce processus. Les programmes devront être disponibles sur les supports de communication accessibles à toutes et tous et garantissant l’égalité des chances.
  • 6- Transmettre des informations relatives au COVID-19 dans un langage simple en lançant des campagnes de
    sensibilisation qui prennent en considération les besoins de tous les groupes sociaux, notamment les personnes handicapées et les personnes âgées. Les informations doivent être disponibles sur tous les moyens de communication (audio-visuel).
  • 7- Soutenir et faciliter les procédures de travail de la société civile pendant cette crise.
  • 8- Établir des instructions basées sur les principes des droits humains pour limiter la propagation du COVID19
    dans les prisons et les camps de réfugié(e)s, lieux propices à la transmission du virus.
  • 9- Les femmes sont en première ligne du secteur sanitaire et sociale. En effet, elles représentent 70% des employé(e)s du secteur sanitaire et social. En outre, leur santé physique et psychologie est affectée par le fardeau des charges domestiques qui leur sont imposées. Par ailleurs, le taux de violence domestique à l’égard des femmes par leurs partenaires a augmenté étant donné les circonstances engendrées par le COVID-19. De ce fait les parties prenantes devraient:
  • ü Veiller à ce que les prestataires de soins de santé et les professionnel(le)s de la santé qui sont en première
    ligne aient accès à l’équipement nécessaire et aux formations adéquates leur permettant d’assurer leur protection.
  • ü Fournir des services de santé de qualité pour tous les groupes sociaux sans discrimination, notamment pour la
    communauté LGBTQI++.
  • ü Veiller à ce que les femmes disposent des services de santé sexuelle et génésique nécessaires tels que les
    contraceptifs et les avortements sans risque.
  • ü Former le personnel médical, les travailleurs sociaux/ travailleuses sociales, les psychologues et psychiatres à
    connaître les effets et les signes de violence domestique. En outre, leur fournir les ressources et services appropriés afin qu’ils / elles puissent recevoir, soigner et guider les victimes.
  • ü Mettre en place des centres d’hébergement pour les femmes et enfants victimes de violence.
  • ü Garantir les droits des femmes (les femmes rurales, les ouvrières dans les usines et les magasins d’alimentation) qui travaillent durant cette période de confinement afin de fournir aux citoyen(ne)s
    les denrées indispensables.  En outre, permettre à ces femmes de travailler dans de bonnes conditions et en sécurité.
  • ü Inclure des expert(e)s en genre au sein des comités de gestion de la crise sanitaire, ce qui garantira l’adoption
    d’une approche féministe sensible aux besoins des femmes et défendant leurs droits.

Dans ce contexte, nous demandons au gouvernement d’adopter d’urgence une politique féministe globale pour lutter contre la pandémie de COVID-19, conformément aux normes internationales et aux principes des droits humains, en particulier le principe de l’égalité et de la non-discrimination entre les femmes et les hommes et tous les groupes de la société.

Les organisations et associations signataires:

AFTURD, Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement

ADD, Association pour la promotion du droit à la différence

ADLI, Association tunisienne de défense des libertés individuelles

AFC, Association Femme et Citoyenneté

Association Ibsar

Associa-med Tunis

Aswat Nissa

ASDC, Association de solidarité pour le développement et la communication Douz

Atl mst sida section Tunis

ATP+,  Association Tunisienne de Prévention Positive

ATSR, Association Tunisienne de la Santé de la Reproduction

Association voix d’Ève

CAWTAR, Centre de la Femme arabe pour la Formation et la Recherche

CILG VNG, CILG International Development Centre for Innovative Local Governance

Damj

Danner-Tunisie

EuroMed Droits

Free Sight Association

FTDES,  Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux

Groupe Tawhida Ben Cheikh

Mawjoudin We Exist

LET La Ligue des Electrices Tunisiennes

LTDH Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’homme

No peace without justice

OTDDPH Organisation Tunisienne de Défense des Droits des Personnes Handicapées

Oxfam en Tunisie

Les signataires: 

Dorra Mahfoudh

Hafidha Chekir

Souad Triki

Bochra bel haj hmida

Monia kari

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