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Les centres de rétention italiens : Parcours de vie et de mort pour les personnes tunisiennes

Les centres de rétention italiens :

Parcours de vie et de mort pour les personnes tunisiennes

 

Les parcours migratoires des personnes en déplacement sont souvent extrêmement étendus et pleins de obstacles. Aux difficultés du voyage en mer s’ajoutent de nombreux obstacles une fois arrivés dans les pays de destination. Ces dernières années, les États membres de l’UE ont progressivement intensifié l’utilisation de la détention administrative comme outil de gestion de la migration.

 

En Italie, les Centres de Permanence pour le Rapatriement (CPR) sont des centres de rétention pour les ressortissant.e.s étranger.e.s arrivés ou séjournant irrégulièrement en Italie, dans le but de les rapatrier le plus rapidement possible vers le pays d’origine ou vers un pays tiers. S’agissant d’une détention administrative, les personnes enfermées ne bénéficient même pas des droits et garanties du système de justice pénale[1]. Il existe actuellement neuf CPR fonctionnels en Italie[2] avec une capacité théorique d’environ 1 000 places[3].

De nombreuses irrégularités des CPR et violations ont été dénoncées au fil du temps : cellules surpeuplées, insalubrité, absence d’activités récréatives, espaces exigus, mauvaises conditions d’hygiène[4]; manque d’information et de défense, impossibilité pour les détenu.e.s de contacter leurs avocats, absence du certificat d’aptitude à la vie en communauté restreinte (condition incontournable pour la rétention dans les CPR), audiences de validation et de prolongation qui durent en moyenne 5 à 10 minutes[5]. Même l’assistance sanitaire – exceptionnellement confiée à l’organisme gestionnaire du centre et non au système national de santé – a plié l’intervention médicale et pharmacologique aux nécessités de la discipline et de la sécurité des locaux[6]. L’utilisation abusive de psychotropes et de tranquillisants est signalée dans la plupart des CPR ; ils sont utilisés pour étourdir et rendre calmes les personnes détenues[7].

Au fil du temps, afin de réduire les coûts, la gestion des CPR a été confiée à des acteurs privés : d’abord des entreprises et des coopératives, puis des multinationales ont commencé à remporter des contrats pour des millions d’euros de fonds publics italiens avec la logique de l’offre économiquement la plus avantageuse[8]. La minimisation progressive des coûts a contribué à un traitement de plus en plus dégradant des migrant.e.s détenu.e.s.

Alors que la présidence tunisienne renforce ses liens avec l’Union européenne, et avec l’Italie en particulier, le sort des ressortissant.e.s tunisien.ne.s en Italie reste dans l’ombre des discussions nationales et des négociations bilatérales. Ces dernières années, les ressortissant.e.s tunisien.ne.s représentent toujours la principale nationalité retenue dans les CPR italiens, avec environ 9 506 Tunisien.ne.s au cours des quatre dernières années sur un total de 17 767 migrant.e.s, ce qui représente le 53%. Dans le cadre des accords de réadmission, les ressortissant.e.s tunisien.ne.s sont également la principale nationalité à être rapatriée depuis l’Italie, environs 6 758 personnes représentant le 57%[9].

À la violence et aux violations perpétrées lors de la rétention ainsi qu’aux rapatriements forcés, s’ajoutent des cas de décès. Depuis leur ouverture en Italie, plus de 30 décès ont été enregistrés à l’intérieur de ces structures, tandis que l’incidence des actes d’automutilation est très élevée[10]. Le 28 novembre 2021, Wissem Ben Abdellatif, un jeune homme de 26 ans originaire de Kebili, est décédé après avoir été attaché pendant près de 100 heures dans le service psychiatrique de l’hôpital San Camillo à Rome, suite à son transfert du CPR de Ponte Galeria[11].

Les organisations signataires :

  • Rappellent que la liberté de circulation est un droit fondamental, tel que stipulé à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme depuis 1948, dont toute personne doit pouvoir jouir ;
  • Soulignent que la situation d’irrégularité est exacerbée par une approche sécuritaire limitant l’accès sûr et régulier aux pays et mettent en cause l’ensemble du système de rétention administrative des personnes migrantes en Italie, dont les Tunisien.ne.s, en particulier, sont les principales victimes ;
  • Exhortent les autorités italiennes à respecter l’ensemble des procédures internationales de protection des personnes migrantes et à garantir les droits des personnes en mouvement sur le territoire italien ;
  • Font appel aux autorités tunisiennes pour assurer la protection de leurs concitoyen.ne.s à l’étranger ;
  • Réclament la vérité et la justice pour les personnes migrantes victimes de violences ou décédées dans les centres de rétention en Italie.
  1. Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux – FTDES
  2. Avocats sans Frontières – ASF
  3. Ligue Tunisienne pour la défense des Droits de l’Homme – LTDH
  4. Association Nachaz
  5. Association Tunisienne de Défense des libertés individuelles
  6. Association Tunisienne pour les Droits et les Libertés
  7. Association Citoyenneté et libertés
  8. Association MADA pour la citoyenneté et le développement
  9. No Peace Without Justice – Tunisie
  10. Organisation Contre la Torture en Tunisie
  11. Coalition Tunisienne Contre la Peine de mort
  12. Sentiers Massarib
  13. Danseurs Citoyens Sud
  14. Association pour la Promotion du Droit à la Différence – ADD
  15. Association Lina Ben Mhenni
  1. EuroMed Rights
  2. Oxfam Tunisie
  1. Intersection Association for Rights and Freedom
  2. Union des Diplômés Chômeurs
  3. Damj Association Tunisienne pour la Justice et L’égalité
  4. Organisation Mondiale Contre la Torture – OMCT
  5. Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie
  6. Association Beity
  7. Aswat Nissa
  8. Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives – FTCR
  9. Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie
  10. ActionAid Italia
  11. A Buon Diritto
  12. LasciateCIEntrare
  13. Med Memoria Mediterranea
  14. L’ART RUE
  15. Association Tunisienne des femmes démocrates ATFD

 

Marta Luceno Moreno, chercheuse féministe

Hichem Skik, militant associatif et politique

Sami Bargaoui militant associatif

[1] Irpimedia, Le conseguenze della nuova fase di privatizzazione dei Cpr, 2023

[2] Milan, Gradisca d’Isonzo, Rome, Palazzo San Gervasio, Macomer, Brindisi-Restinco, Bari-Palese, Trapani-Milo, Caltanissetta-Pian del Lago

[3] Coalizione Italiana Libertà e Diritti civili (CILD), L’affar€ CPR: il profitto sulla pelle delle persone migranti, 2023

[4] Irpimedia, 2023

[5] CILD, Buchi neri. La detenzione senza reato nei CPR, 2021

[6] Ivi

[7] Altraeconomia, Rinchiusi e sedati: l’abuso quotidiano di psicofarmaci nei Cpr italiani, avril 2023

[8] CILD, L’affar€ CPR: il profitto sulla pelle delle persone migranti, 2023

[9] Garant national des droits des personnes privées de liberté

[10] ActionAid, Trattenuti: Una radiografia del Sistema detentivo per stranieri, 2023

[11] Nigrizia, Wissem Ben Abdellatif attende ancora verità e giustizia, 2023

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