Amine Bouzaiene : « L’ALBA, source d’inspiration pour la Méditerranée ? »
Depuis que le rouleau compresseur néolibéral a été déroulé par Reagan et Thatcher, le libre-échange a suscité des critiques très vives dans le monde en raison notamment de la précarisation des peuples et des couches sociales les plus vulnérables, de l’augmentation de la pauvreté et des inégalités et de l’impasse écologique. Dans ce contexte, un éventail de propositions alternatives a progressivement vu le jour dans le monde et notamment dans les pays du sud.
14 ans après son adoption en tant qu’accord formel entre Cuba et Venezuela, l’ALBA englobe aujourd’hui une dizaine de pays d’Amérique latine. Cet accord se veut « une plateforme d’intégration des pays d’Amérique Latine et des Caraïbes qui met sa force dans la solidarité, la complémentarité, la justice et la coopération : elle a pour objectif la transformation des sociétés latino-américaines, en les rendant plus justes, cultivées, participatives et solidaires; elle est conçue comme un processus intégral qui garantit l’égalité sociale et crée la qualité de la vie et la participation effective des peuples dans la réalisation de leur propre destin. »
L’ALBA apparaît donc comme l’une des propositions phare d’un projet alternatif au libre-échange qu’il convient de tracer les origines, de comprendre les facteurs de son émergence et de s’arrêter sur certains axes de ses actions.
- Contexte socio-économique en Amérique latine :
En effet, un certain nombre d’enseignements peuvent être tirés du processus ayant conduit une dizaine de pays de s’inscrire dans une vision alternative.
Après avoir subis « la décennie perdue » qui caractérise la crise de la dette extérieure, de l’hyperinflation et de l’instabilité financière dans les années 1980, les peuples d’Amérique du sud et des Caraïbes ont enchainé avec « la décennie de l’exclusion sociale ». Façonnées par le Consensus de Washington, les années 1990 ont été celles de la libéralisation de l’économie, de la privatisation à outrance et de ladite « flexibilité » des marchés de travail. Le continent a alors sombré dans les inégalités et a battu de tristes records mondiaux en la matière.
- Le rôle des mouvements sociaux dans l’émergence d’alternatives latino-américaines :
Dans ce contexte, les mouvements sociaux en Amérique latine ont été le fer de lance dans l’organisation des luttes populaires. Dans un climat d’instabilité, le décloisonnement entre ces mouvements sociaux, le monde associatif, les chercheurs académiques, ceux d’ONGs nationales et internationales, les syndicats, et les mouvements politiques s’est progressivement installé et des alliances régionales ont vu le jour. La constitution des digues les plus larges possibles dans la résistance contre les politiques néolibérales a abouti à équilibrer les rapports de forces, à développer un éventail de propositions alternatives, vecteurs de changements politiques dans une dizaine de pays parmi lesquels : le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Equateur, en Bolivie… mais également vecteurs de changement au niveau régional.
En effet, dans le cadre des négociations concernant une zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) entre l’UE et la Communauté andine des Nations (CAN), une alliance régionale entre les mouvements sociaux a vu le jour à Belo Horizonte en 1997. L’alliance Sociale Continentale (l’ASC) a produit un document de projet d’intégration régionale alternatif. Ce document servira de point d’appui important dans la proposition de l’ALBA par Hugo Chavez en 2001 qui va largement s’en inspirer. En effet, un grand nombre de principes du document de l’ASC sera repris par l’ALBA, notamment :
- Un commerce qui repose sur la complémentarité, fondée sur la solidarité et la coopération, afin de garantir une vie digne et le bien vivre,
- Un commerce souverain, sans condition ni ingérence dans les affaires intérieures de chaque pays,
- L’harmonie entre les peuples et la nature, le respect des droits de la Terre-Mère et la promotion d’un type de développement économique en harmonie avec la nature,
- La défense de la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire entre les pays partenaires afin de garantir un accès à l’alimentation en quantité et qualité suffisantes pour nos enfants,
- L’adoption de mécanismes visant à assurer l’indépendance financière et monétaire,
- La protection des droits des travailleurs et des peuples indigènes …
- Les axes d’actions de l’ALBA :
Il est également intéressant d’avoir un aperçu sur les axes d’interventions de l’ALBA qui a pu développer un certain nombre d’actions, à parfaire et à développer certainement, mais qui ont le mérite de tenter d’ouvrir d’autres voies possibles dans le contexte de l’économie globalisée de notre époque.
- La Banque de l’ALBA
Un organisme financier qui incluant Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, Saint-Vincent-et-les Grenadines, la Dominique et le Venezuela. La Banque de l’ALBA est entrée en vigueur en 2008 et en moins de 6 ans a financé un total de 42 projets pour un montant de 344 860 280,13 dollars.
- Le développement d’une monnaie virtuelle régionale : le SUCRE (Un système unitaire de compensation régionale). Le total des opérations effectuées avec cette monnaie s’élève à 5 657 pour un montant de 2414,06 millions de dollars.
- Le projet ALBAMED
Ce projet a alloué plus de 3,5 millions de dollars pour la création d’une entreprise pharmaceutique. Ce projet a visé les maladies les plus courantes chez les populations les plus pauvres et a mis en place d’un système de production et de distribution de 489 médicaments.
- « L’opération miracle », a fourni un traitement ophtalmologique gratuit pour plus 3 millions de personnes qui ne s’est pas limité aux pays membres de l’ALBA.
- Le programme d’alphabétisation et le programme de Post-alphabétisation qui ont permis d’éradiquer l’analphabétisme dans 5 des 8 pays de l’ALBA en 2014, si bien que la Bolivie, le Nicaragua et le Venezuela ont été déclarés « territoires libres de l’analphabétisme » par l’UNESCO.
- Plus de 50 millions de dollars ont été alloués à des projets agraires pour promouvoir la souveraineté alimentaire.