La pêche illégale dans la réserve de Orbata: Un massacre pour la faune
Il ya environ trente ans, la réserve de Orbata dans le gouvernorat de Gafsa était remplie de nombreux animaux sauvages et désertiques. Aujourd’hui, cette réalité n’est plus la même puisque dans la réserve ne se trouvent plus que quelques gazelles et cerfs, ayant échappés aux chasseurs et qui errent entre les arbres d’Acacias, d’Eucalyptus et de pins qui s’étendent sur la partie tunisienne des montagnes d’Atlas.
Ici, la chasse illicite qui a lieu en dehors des saisons de pêche et qui utilise généralement des techniques interdites, a conduit à une destruction presque totale de la vie sauvage. Ainsi, elle s’oppose à l’ensemble des conventions internationales, en particulier l’accord de commerce international des animaux et végétaux menacés d’extinction, connue sous le nom de “CITES”[1]. Aussi, la législation nationale interdit la chasse illégale et en dehors des saisons de pêche selon le code forestier et ses chapitres relatifs à la réglementation du secteur de la chasse.
L’hémorragie des attaques aux animaux de la réserve touche également aujourd’hui les gardes forestiers qui sont régulièrement attaqués par des chasseurs irréguliers. Ce papier est préparé par le département Justice Environnementale du Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux afin de révéler l’application défaillante du cadre législatif pénalisant à la fois la chasse irrégulière et la violence envers les gardes de la forêt. En effet, nous croyons que ces pratiques contribuent à blanchir la pratique de la chasse illégale.
Une richesse animale menacée d’extinction
« Préserver la nature ne signifie pas protéger les tigres, les pandas, et les baleines que nous aimons, la question est beaucoup plus vaste, car il n’ya pas d’avenir prospère pour l’homme sur une planète qui a un climat déséquilibré, des océans surexploités, des terres dégradées et des forêts vidées. Tout simplement sur une planète dépourvue de sa biodiversité[2]».Ainsi, a déclaré Marco Lambertini, directeur du fonds mondial pour la nature (WWF) pour appeler à multiplier et conjuguer les efforts pour préserver la biodiversité mondiale.
La pêche illégale àOrbata est à l’image des autres crimes commis contre l’environnement et qui tuent sa richesse environnementale et le vident des composantes de son écosystème naturel.
La réserve naturelle d’Orbataconstitue un refuge pour les Dirkaset Autruched’Afrique du nord qui sont tous les deux menacéed’extinction non seulement en Tunisie, mais aussi dans toute la région désertique et côtière de l’Afrique, selon le chercheur dans l’environnement et vice-président de l’association pour la protection de l’environnement Abdelkader Jbali qui qualifient leur chasse illégale d’une « grande perte matérielle et environnementale ».
Cadre législatif pour la pêche en Tunisie
La Tunisie a entamé une nouvelle phase de régulation de la pêche parallèlement à la prise de conscience mondiale concernant la protection de la richesse animale contre les dangers de distinction. Depuis 1988, la publication du code forestier a été un moteur pour l’application de la législation nationale aux praticiens de la pêche illégale. Les différents chapitres de ce code ont ainsi permis de clarifier les bases de comportement envers les espèces animales sauvages et les manières appropriées de chasse sans provoquer de perturbation sur l’écosystème. Dans ce contexte, une saison de pêche a été instaurée, qui est précisée selon des conditions bien définies.
Ainsi dans le chapitre 166 du code forestier, est mentionné que « nul ne peut pratiquer la chasse en dehors de la saison de chasse réglementée et ouverte sur l’ensemble du territoire national ». Cet article identifie aussi les méthodes de chasse autorisées, les zones de chasse et les peines qui s’appliquent en cas d’infraction et qui peuvent être des amendes ou des peines de prison. Le but n’étant pas d’interdire la chasse mais de lui consacrer un cadre bien défini. L’intérêt du législateur tunisien à la vie sauvage revient à son importance dans la protection de la biodiversité et de l’équilibre écologique d’une manière générale. Dans une étude préparée par le programme des Nations Unies pour la protection de l’environnement (PNUE), il a été souligné que « les réserves naturelles empêchent l’épuisement et la dégradation des ressources naturelles et assurent la survie et la conservation de la biodiversité nécessaire pour le maintien de la vie sur terre ».
Sur le plan international, la Tunisie a adhéré à la convention « CITES » en juillet 1974 et entré en vigueur un an après. Cette convention est partie d’un constat sur l’aggravation du phénomène de pêche illégale et de Traffic international d’animaux et après suggestion de l’Union Internationale de la Protection de la Nature (UICN) en 1963. Il s’agit de l’un des plus importants traités internationaux sur la conservation des espèces sauvages menacées d’extinction afin d’atteindre les objectifs de conservation et d’utilisation durable des richesses sauvages.
La réserve d’Orbataabrite des espèces animales dont la gazelle des montagnes et les Autruche d’Afrique du Nord, qui sont reconnus comme deux espèces menacées d’extinction selon l’annexe 1 de la convention « CITES ». En plus de ces deux espèces, la réserve renferme également des espèces rares figurant sur la liste rouge de l’union mondiale pour la nature ainsi que les annexes de la CITES.Les plus importants sont les lièvres du Maghreb (Annexe 2), la gazelle Al-Dorkas (Annexe 3) et l’autruche d’Afriquedu Nord (Annexe 1) ainsi que plusieurs espèces d’oiseaux selon le spécialiste de l’environnement Abdelkader Al-Jabali, qui a souligné la nécessité de lutter contre le phénomène de pêche irrégulièrepour le limiter au maximum. Cela ne peut se faire selon lui qu’en faisant sortir la question de la biodiversité et de la faune sauvage de la marginalité et de certaines occasions dont elles font la une pour devenir une préoccupation continue. De notre côté, nous appelons au FTDES le gouvernement à assurer le budget nécessaire ainsi qu’une stratégie claire pour protéger la richesse animale dans les réserves naturelles.
Attaques contre les gardes forestiers
La direction des forêts et de la lutte contre la désertification du gouvernorat de Gafsa a enregistré pendant la période de confinement allant de la mi-mars au 24 Mai 2020, plusieurs infractions et violations sur la richesse forestière et animale dans la région, selon la directrice de l’arrondissement des forêts Mme FaydaMgadmi dans une interview avec la TAP le 04 Mai 2020. Ainsi, parmi les infractions qu’elle a mentionnées figurent la chasse et le trafic d’animaux sauvageset les actes de violence à l’encontre des gardes forestiers, ce qui a amené l’arrondissement des forêts à renforcer son équipe de gardiens par l’engagement des nouveaux travailleurs de chantiers afin d’améliorer le contrôle et sécuriser l’espace forestier de la région.
En dépit du renforcement des efforts, la pêche illégale s’est poursuivie et les attaques sur l’équipe des gardes forestiers n’ont pas cessé, ce qui a provoqué une énorme vague de colère chez ces derniers et l’organisation de plusieurs protestations pour condamner ces violations et exiger l’adoption d’une loi fondamentale visant à les protéger pendant le travail[3]et à attirer l’attention des administrations concernées sur la gravité de la situation au sein de la réserve d’Orbata.
Sur cette base, la responsabilité dans ce dossier incombe au ministère de l’agriculture et à la direction générale des forêts ainsi qu’au commissariat régional de développement agricole de Gafsa. Il est nécessaire d’intervenir rapidement pour cesser ce massacre à l’encontre de la réserve d’Orbata et de la vie sauvage d’une manière générale.
De son côté, le FTDES réitère sa dénonciation des attaques sur la réserve et sur toutes les réserves naturelles nationales au regard de leur rôle crucial dans le maintien de l’équilibre naturel et afin d’attirer l’attention sur l’atteinte à la justice environnementale sur laquelle travaille notre projet. Aussi, nous appelons à une révision radicale du code forestier afin qu’il remplisse son rôle de contrôle et de dissuasion des violateurs de la forêt. De même, il est primordial de revoir la structuration des directions des forêt pour qu’elles soient, sur le long terme, séparées des commissariats régionaux d’agriculture dans l’objectif de jouir d’une plus grande autonomie organisationnelle et financière et ce, à l’instar de l’office des céréales ou de l’office d’huile à titre d’exemple.
[1]https://cites.org/sites/default/files/eng/disc/CITES-Convention-EN.pdf
[2]https://www.france24.com/ar/
[3]Le département Justice Environnementale du FTDES a déjà alerté de la dégradation de la situation des gardes forestiers et son impact sur leur rendement et l’efficacité du système de garde forestière d’une manière générale.