Kacem Afaya : Impacts certains de l’ALECA sur le secteur public
Le service public est une activité considérée comme essentielle et stratégique dans le but de satisfaire un besoin d’intérêt général.
Cette activité doit être gérée selon des caractéristiques spécifique pour permettre un accès a tous et contribuer à la solidarité et la cohésion sociale, culturelle et économique de la société. Elle doit donc échapper à la logique du marché donc elle doit être d’ordre social et par conséquent exercé directement par l’autorité publique ou sous son contrôle.
Quant à l’ALECA qui se base sur le libre-échange et sur le marché dans un but concurrentiel des produits et des services. Delà cet accord est incompatible avec le service public surtout qu’il engage les désengagements sociaux de l’’état. Que pouvons-nous attendre par conséquent de cet accord. A rappeler que la Tunisie suite à son adoption du PAS (Programme d’Ajustement Structurel) qui a pour objectif de faire intégrer l’économie tunisienne dans le marché mondial, a lancé des négociations a propos d’un accord d’association avec l’UE en 1995. L’objectif entre autres de cet accord est de « développer les échanges et d’assurer l’essor des relations économiques et sociales équilibres entre les parties a travers le dialogue et la coopération notamment, afin de favoriser le développement et la prospérité de la Tunisie et du peuple tunisien ».
En réalité cet accord n’a fait que perdre annuellement à la Tunisie 3% de son PIB. Cette perte en PIB n’est pas l’unique impact de cet accord d’association car l’impact du libre-échange des marchandises et le démantèlement de protection tarifaire a reflète la faiblesse de la capacité concurrentielle du produit tunisien face a ceux européens. Cela a également entraine des tensions sociales en raison de la résistance des travailleurs a la pression exercée sur leurs acquis et avantages sociaux, procédures entamées par les employeurs dans le but de diminuer le coût de production au début et s’opposant a la fermeture ou la privatisation des établissements et usines à un stade ultérieur. Le désengagement social de l’état était l’impact inévitable de l’adoption du PAS et de la conclusion de AA.
Le désengagement a porté atteinte et a affaibli les services publics malgré qui n’étaient pas concernés directement par ses accords.
En effet prenons quelques activités de service publiques pour vérifier la validité de nos jugements. Nous allons cibler trois secteurs de services publics.
Secteur du transport :
Selon le rapport du ministère de transport publié à Tunisie Télégraphe le 12/1/2016 la situation du secteur de transport se dégrade dans toutes ses branches et qu’il souffre d’une crise structurelle dont la principale caractéristique :
-Il ne représente que 6% du PIB en 2014, soit 50% de ce qu’il représente dans le pays à économie homologue
-Détérioration du parc du transport en commun, chute de sa performance et isolement de certaines régions de l’intérieur
-Détérioration du réseau ferré
-Diminution de la flotte nationale d’avions
-diminution de la flotte maritime :29 navires commerciaux en 1989 contre seulement 8 actuellement avec une baisse de sa participation dans le transport maritime commercial de 25% en 1989 à 11% en 2014.
Secteur de l’éducation :
L’éducation publique est marginalisée ce qui a été confirmé par l’Etat lui-même et « le diagnostic officiel confirme la crise globale qu’a connue l’école publique à la fois en termes d’infrastructure et de niveau de connaissance et d’éducation. Malgré cette reconnaissance la politique fiscale du gouvernement n’a pas eu tendance à injecter des nouveaux fonds pour recommencer à remédier l’effondrement physique et moral de l’éducation publique qui se reflète dans le budget du ministère de l’éducation en 2018 qui fait apparaitre un déséquilibre important entre les dépenses de l’administration qui représentent 95.74% du budget alors que les dépenses de développement ne dépassent pas 4.26% » (3).
Dans le même contexte de l’engagement social de l’Etat et la détérioration de l’infrastructure de l’école il convient de noter que le virus de l’hépatite s’est propagé dans les écoles en raison de la détérioration du cycle de l’eau.
Secteur de la santé :
En raison de la grave détérioration des établissement publiques de sante résultant de la réduction de l’intervention de l’Etat dans les secteurs sociaux y compris celui de sante qui risque de s’effondrer en raison de déficit financier croissant des établissements, 67 associations et organisations de la société civile ont lancé un appel de sauvetage du secteur publique en 2017 se basant surtout sur le financement pour améliorer le service public.
A rappeler que ce constat de situation de service publique n’est que l’impact réel du PAS et de l’AA dans lequel l’économie tunisienne n’est pas totalement intégrée et qui a été privilégiée. A rappeler aussi que la notion du marché est inévitablement liée au désengagement de l’Etat vis-à-vis des services sociaux. Quelles sont alors les attentes de l’ALECA si ce n’est que plus de dépendance du pays, plus de chômage, plus de marchandisation des services publics, plus d’insécurité sociale et plus d’instabilité sociale. A remarquer enfin que tous les accords d’ouverture économique de la Tunisie ont engendré des perturbations sociales allant jusqu’à la confrontation entre le peuple et l’état.