Tunis, le 6 juin 2023
Communiqué de la Journée mondiale de l’environnement
Pour une transition écologique juste
Sous le slogan de la lutte contre la pollution plastique, le monde célèbre, aujourd’hui et depuis 50 ans, la journée mondiale de l’environnement établie en 1973 par l’Assemblée générale des Nations Unies, reconnaissant ainsi l’importance de la solidarité internationale pour promouvoir l’ensemble des écosystèmes naturels et protéger les ressources naturelles de l’épuisement et de la pollution. 0,11 kg de déchets plastiques sont produits quotidiennement par le tunisien, soit l’équivalent de 250 milles tonnes, selon une étude de 2018 de l’Agence nationale de Protection de l’Environnement (ANPE). 28% de ces déchets s’évaporent dans la nature et 4% sont jetés dans la mer, tandis que seulement 4% sont recyclés. De ce fait, la Tunisie figure parmi les pays méditerranéens les plus pollués par le plastique. La décision d’interdire depuis Mars l’utilisation des sacs en plastique dans les boulangeries et les magasins est une mesure judicieuse pour réduire la pollution plastique et sensibiliser les citoyens sur la nécessité de changer leurs habitudes de consommation. Néanmoins, cette décision demeure insuffisante en l’absence de décisions similaires pour les principaux producteurs de déchets en plastique.
Alors que les cadres juridiques et législatifs tunisiens, la constitution de 2022 en tête, reconnaissent les droits environnementaux des citoyens, la situation environnementale dans différentes régions demeure dégradée et les mouvements socio-environnementaux ne cessent de dénoncer l’inaction des organismes publics chargées de protéger les composantes environnementales dans leur diversité, de renforcer la biodiversité et la sécurité alimentaire et d’adopter des politiques qui renforcent l’adaptation aux changements climatiques et assurent la durabilité des ressources ainsi que les droits des générations futures. La marginalisation du secteur environnemental, le considérant comme étant isolé des autres secteurs vitaux et un simple outil pour le blanchiment environnemental et l’attraction des financements étrangers, est un choix adopté par la Tunisie depuis la création du Ministère de l’Environnement en 1994 et qui influence directement les droits des individus à un environnement sain et équilibré, à une eau potable de qualité et accessible à tous.tes et à un air pur et une alimentation saine.
Le slogan de la journée mondiale de l’environnement de cette année nous rappelle que la Tunisie manque, jusqu’aujourd’hui, d’une stratégie nationale de gestion des déchets au même moment où le ministère de l’environnement continue d’adopter des solutions de saupoudrage et de court terme pour les dossiers environnementaux les plus épineux dans différentes régions du pays. La crise des déchets persiste ainsi dans plusieurs régions, en l’absence de solutions efficaces et participatives permettant un dialogue social qui garantit l’acceptabilité sociale et ne fait pas subir les conséquences de la pollution par des régions plutôt que d’autres. De plus, le code de l’eau de 1975 ne cesse d’attiser l’injustice hydrique et la soif des milliers de personnes, tout en poussant de nombreux agriculteurs à abandonner leurs activités en raison de la politique du double standard en ce qui concerne les permis d’exploration et d’exploitation de l’eau à des fins industrielles ou agricoles lucratives. D’autre part, de nombreux industriels continuent à déverser leurs toxines sous forme de fumées et de déchets solides et liquides sous le silence des organes de contrôle et l’incapacité de la loi de la responsabilité sociale des entreprises, qui manque du caractère dissuasif, à remédier à ces violations de la nature et à contraindre ces établissements à contribuer au développement de leurs régions.
Par ailleurs, l’opacité, le manque de transparence et la propagation de la corruption qui persistent au sein des agences nationales relevant du ministère de l’environnement, ainsi que les difficultés à établir de véritables mécanismes d’évaluation et de redevabilité, font que les atteintes à l’environnement se poursuivent, au vu et su des autorités continuant à violer les droits environnementaux des individus et réprimant par le recours à la force leurs mouvements et protestations légitimes.
Aussi, on note l’absence des décisions audacieuses et d’agendas capables d’introduire les changements nécessaires dans les politiques environnementales nationales tout en les harmonisant avec les accords internationaux ratifiés par l’Etat tunisien. Le droit à un environnement sain et équilibré demeure ainsi marginalisé et dépourvu d’un cadre législatif qui prône explicitement sa primauté et le protège juridiquement par un appui à l’applicabilité des lois qui lui sont associées à travers des textes contraignants et à caractère dissuasif. Des textes qui renforcent, par ailleurs, le système de sanctions et de responsabilité environnementale et qui s’appliquent à tout niveau et contre toute personne physique ou morale, qu’elle soit privée ou publique, qui porte atteinte à l’environnement.
Par conséquent, s’engager dans l’adoption de nouvelles orientations et choix environnementaux, garantissant une transition écologique juste qui ne laisse personne pour compte et qui renforce la primauté des droits environnementaux et les élève au même niveau que les droits de l’Homme protégés par les lois nationales et les traités internationaux signés par la Tunisie, n’est plus une option mais une nécessité urgente. De même, il est devenu primordial d’accélérer l’adoption et la mise en œuvre des changements essentiels dans les principaux codes régissant le secteur de l’environnement et notamment les codes de l’eau et des forêts, tout en prenant en considération les propositions de la société civile et des experts et ce, afin d’atteindre l’équilibre souhaité entre les exigences du développement et les principes de l’égalité et de la justice sociale et environnementale.
Le département de la Justice Environnementale du Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux