Tunis, le 7 mai 2020
Communiqué à propos de la création d’une
« Coordination Nationale pour la Défense des Droits de l’Homme et des Libertés »
« Pour que la crise sanitaire n’aboutisse pas à un recul des droits de l’homme et une restriction des libertés »
- L’Association Tunisienne des Femmes Démocrates,
- L’Association Tunisienne pour La Défense des Droits de l’enfant,
- Le Comité Supérieur des Droits de L’homme et des Libertés Fondamentales,
- Le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux,
- La Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits De L’homme,
- L’Organisation Tunisienne Contre la Torture,
- Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens
annoncent la création, dans le cadre d’une initiative commune, de « la Coordination Nationale pour la Défense des Droits de l’Homme et des Libertés » en vue d’assurer le suivi de la situation des droits de l’homme dans le contexte de la crise sanitaire résultant de l’épidémie du coronavirus, et la surveillance des éventuels abus et violations qui pourraient toucher les droits et les libertés dans cette situation d’exception que vit le pays, et afin que cette situation n’aboutisse à imposer des restrictions non justifiées sur les libertés fondamentales, et notamment la liberté de circulation et la liberté d’opinion et d’expression, et en vue d’alerter les autorités compétentes, sachant que plusieurs organisations de la société civile ont rapporté pareils abus lors de l’application, par les services de sécurité, des mesures de confinement sanitaire et du couvre-feu.
L’initiative vise, également, à surveiller les décrets qui seront promulgués par le gouvernement suite aux prérogatives qui lui ont été accordées par l’ARP dans cette situation d’urgence, afin d’en évaluer la conformité avec la législation nationale et les conventions internationales ratifiées par la Tunisie, et d’en informer les autorités en cas de besoin.
Les institutions, membres de « la Coordination », visent également à assurer le suivi et l’évaluation des effets économiques et sociaux des mesures prises par le gouvernement sur la situation économique sociale, et notamment sur certains groupes vulnérables, dont la vulnérabilité a nettement augmenté avec la crise sanitaire et les mesures qui l’ont accompagnée, et dont les conditions ne leur permettent pas de bénéficier de la prise en charge et des soins nécessaires face à l’épidémie.
Parmi ces groupes, nous citons :
- Les migrants dont la majorité ont perdu leurs moyens de subsistance, et se retrouvent ainsi menacée de perdre leurs logements, et de ne pouvoir subvenir à leurs besoins alimentaires, en plus des risques de sanitaires.
- Les détenus, particulièrement exposés aux risques de contamination à cause de la surpopulation dans les institutions carcérales
- Les enfants, qui subissent une augmentation de la violence à leur égard dans la situation de confinement, qui a, par ailleurs, abouti à l’interruption des mécanismes de communication et d’alerte sur les cas de violence. Les mesures prises par l’Etat suite à l’arrêt de l’année scolaire n’ont pas permis un accès équitable des enfants à l’enseignement à distance, dont les enfants des groupes sociaux défavorisés n’ont pas pu profiter. De même, la fermeture des centres de protection sociale des enfants, décidée dans le contexte de la crise sanitaire, n’a pas été accompagnée de mesures adéquates destinées à l’ensemble des enfants, notamment les enfants porteurs d’handicaps.
- Les femmes ont également subi une augmentation des violations de leurs droits civils et politiques, mais également, leurs droits économiques et sociaux. La violence à leur égard, sous toutes ses formes, a sensiblement augmenté. Ceci est attesté par les innombrables rapports aussi publiés bien par les organisations de la société civile que les institutions officielles, ce qui implique une mise en œuvre rigoureuse de la loi organique du 17 août 2017 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et la mise en place de mécanismes de prévention et de protection en adéquation avec la situation actuelle.
- Les mesures prises par les autorités dans le cadre de l’application du confinement sanitaire et du couvre-feu ont, d’après les rapports de certaines organisations et les informations ayant circulé sur les réseaux sociaux, ont abouti à des restrictions à la liberté d’information et a entravé le travail des journalistes sur le terrain.
- La mise en œuvre des mêmes mesures a, dans certains cas, abouti à restreindre de manière injustifiée la liberté de circulation, tel que rapporté par certaines organisations qui affirment avoir reçu plusieurs plaintes dans ce sens de la part des citoyens.
- D’une manière générale, le contexte de la situation épidémique, et les conséquences économiques qui ont résulteraient, auront des effets considérables sur certaines couches sociales et certaines régions du pays et certaines zones dans les grandes villes, dont les niveaux de vie risquent de connaître une baisse considérable. C’est pourquoi, le suivi des droits économiques et sociaux constitue un des objectifs essentiels de la Coordination.
La mise en œuvre des objectifs mentionnés sera menée dans le cadre du mandat et de la mission de chacune des institutions membres de la coordination, et conformément à leurs statuts respectifs. Par ailleurs, les tâches qu’elles se proposent de réaliser ne se limiteront pas à des actions de contrôle et de suivi des éventuels abus ou violations, ni au suivi des décrets qui seront promulgués par le chef du gouvernement ; car, elles se proposent, également, de créer, à travers « la Coordination », un espace d’échange, de réflexion et de débat sur les leçons à tirer de la crise actuelle. La réflexion portera, notamment, sur les politiques publiques à élaborer et à mettre en œuvre face aux défis que l’épidémie a soulevés. Des propositions seront formulées quant aux moyens de promouvoir le système de la santé publique, de manière à garantir le droit à la santé de manière effective, et le droit d’accès à la santé de manière équitable. Il en va de même pour le système éducatif national qui nécessite un renforcement en technologies, en formation du personnel enseignant afin que les établissements d’enseignement puissent faire face de manière efficace et adaptée à pareilles crises dans le futur. Il est également nécessaire de mener une réflexion sur les moyens et les mécanismes à mettre en œuvre pour fournir le soutien et garantir la protection nécessaire aux groupes et catégories sociales les plus vulnérables, tant sur le plan économique et social qu’en ce qui concerne leurs droits fondamentaux et leur intégrité physique.
Les institutions membres se proposent de publier des rapports sur les différentes questions précédemment mentionnées. Elles se proposent, également, d’adresser des recommandations au gouvernement sous forme de notes mentionnant les éventuels abus et violations qu’elles auraient relevés, ou les manquements éventuels quant à la satisfaction des besoins urgents de certains groupes.
L’Association Tunisienne Des Femmes Démocrates
L’Association Tunisienne Pour La Défense Des Droits De L’enfant
Le Comité Supérieur Des Droits De L’homme Et Des Libertés Fondamentales
Le Forum Tunisien Des Droits Economiques Et Sociaux
La Ligue Tunisienne Pour La Défense Des Droits De L’homme
L’Organisation Tunisienne Contre La Torture
Le Syndicat National Des Journalistes Tunisiens