Ahmed Ben Mustapha : Aperçu historique sur les relations Tuniso franco européennes
Cette contribution vise à faire le lien entre l’état présent des relations entre la Tunisie et l’Union européenne et leur évolution historique notamment depuis le 19ème siècle en association avec l’entreprise coloniale européenne en Afrique.
Pour la Tunisie cette évolution est indissociablement liée au projet colonial français en Afrique du nord qui a mis en œuvre divers modes opératoires ayant précédé la conquête militaire. Certaines des composantes essentielles du libre-échange complet et approfondi dans sa version actuelle remontent en fait au pacte fondamental de 1857 qui a institué l’octroi d’avantages et de privilèges exorbitants et exclusifs au profit de la minorité française et européenne.
Au nombre de ceux-ci le droit d’exercer tous les métiers, de posséder les biens mobiliers et immobiliers et de s’adonner librement au commerce intérieur et extérieur. Adossé à la faiblesse et à la corruptibilité du régime beylical, à la dépendance financière nourrie par un endettement excessifs voulu et entretenu par la France ce statut privilégié a favorisé la domination économique française qui était un fait accompli lors de l’instauration du protectorat prélude à la colonisation.
Après l’indépendance, la France, soutenue par la CEE et les USA, a instrumentalisé le libre échange pour se dérober aux exigences du protocole du 20 mars 1956, maintenir sa domination et son statut de principal partenaire politique et économique de la Tunisie tout en préservant la rive sud de la méditerranée en tant que zone d’influence occidentale menacée par l’émergence du bloc soviétique et ses tentatives de pénétration politique, économique et militaire dans la région. Les accords de libre-échange de 1969 et 1976 s’inscrivent dans ce contexte et ont ainsi largement contribué à l’échec de la stratégie de décolonisation économique tunisienne des années 60 qui était étroitement liée au projet de mise en place des assises de l’Etat tunisien moderne et indépendant.
En outre la politique d’ouverture économique ainsi que celle de la promotion des investissements essentiellement français et européens initiée au début des années 70, parallèlement à la multilatérisation des relations internationales ont permis de consolider l’emprise économique française et européenne et de l’adapter aux contraintes imposées par la vague des décolonisations.
Elles ont également favorisé l’imposition de l’économie de marché et du libre-échange dominé par l’occident comme unique forme de gestion des relations internationales et des rapports nord sud indépendamment des disparités économiques et des écarts de développement. La Tunisie sera intégrée dans ce système dès le début des années 80 à la faveur de la crise financière par le biais des crédits conditionnés associés aux plans d’ajustement structurels du FMI et de la banque mondiales qui sont en fait soumis au G7 lequel agit en parfaite synchronisation avec l’UE.
L’accord de 1995 et l’ALECA ont été conçus et mis en œuvre après l’effondrement de l’URSS dans le cadre du nouvel ordre économique censé consacrer l’hégémonie américaine et européenne sur les échanges mondiaux à travers les nouveaux mécanismes de domination dont notamment l’OMC.
Après la révolution, le G7 et l’UE n’ont pas été en mesure de tenir leurs engagements de changer radicalement de politique à l’égard de la Tunisie et d’y favoriser une véritable transition politique et économique. D’où leur acharnement à vouloir accélérer la conclusion de l’ALECA qui en fait n’est pas en cours de négociation mais d’ores et déjà mise en œuvre dans certains de ses chapitres essentiels avec la connivence des pouvoirs publics tunisiens.