Ghassan Waïl El Karmouni : ALEs, facteur de dépendance et appauvrissement
Le Maroc, tout comme les autres pays du Maghreb, est engagé dans le processus de Barcelone lancé en 1995 et qui s’est soldé par des Accords de Libre Echange ou des accords commerciaux préférences Nord-Sud. Le Maroc est le pays qui a le plus approfondi ses relations avec l’UE à travers un statut avancé, et la négociation d’un ALECA (Accord de Libre Echange Complet et Approfondi) depuis 2013, mais aussi avec les USA et un certain nombre de pays du Sud. Des rounds de négociation pour un ALE avec le Canada ont aussi été clôturés bien que le processus semble être moins avancé que celui engagé avec le reste des pays. Au total, le Maroc est engagé dans 56 ALE, dont la plupart sont déficitaires. En plus de cet impact sur la balance extérieure, les accords signés aussi bien avec l’UE que les USA impliquent un certain nombre de conséquences sur le tissu économique du pays et insère le pays de fait comme un pays périphérique dans la distribution internationale du travail.
Se spécialisant dans des secteurs à faible valeur ajoutée (selon l’observatoire du commerce extérieur marocain, la moyenne des importations incorporées dans l’ensemble des exportations est de l’ordre de 76% avec des pics allant jusqu’à 82% pour certains produits), le Maroc a parallèlement lancé des politiques sectorielles allant dans le renforcement de ce positionnement extraverti. Ces politiques aujourd’hui lancées depuis plus de 10 ans tardent encore à apporter les fruits escomptés notamment en termes de croissance et d’emploi. Au contraire, la double dynamique de soutien sectoriel (et renforcement des infrastructures budgétivores : ports, TGV, autoroutes etc.) et d’ouverture économique implique un creusement des déficits jumeaux (budgétaire et de paiement) tout en hypothéquant les capacités de rattrapage de développement et paradoxalement impliquant un processus de désindustrialisation et de dépendance. Dépendance technologique à travers les droits d’auteurs et droits voisins, dépendance économique vis-à-vis des donneurs d’ordre internationaux, dépendance financière aux IDE et prêts étrangers, dépendance politiques quant aux options stratégiques de choix publiques notamment budgétaires, dépendance alimentaire en se focalisant sur certaines monocultures exportatrices à faible valeur ajoutées et fortement consommatrice de terres et d’eau. L’orientation extravertie de l’économie marocaine génère par ailleurs une concurrence sur les spécialisations avec les autres pays maghrébins notamment la Tunisie amenant à une course vers des accords mal négociés et une rivalité sur les marchés ce qui a tendance à renfoncer les tendances à l’échange inégal au détriment de l’intérêt des peuples de la région et au profit des entreprises et consommateurs du Nord.