Atelier 1 : Comment envisager un partenariat économique qui dépasse le schéma uniquement commercial (commerce équitable, réelle asymétrie…), et qui accorde de l’intérêt aux problématiques sensibles des rives de la Méditerranée (chômage, inégalités…) ?
Riadh Ben Khalifa :
A la suite des événements qui ont secoué des pays du Maghreb et du Moyen Orient en 2011, l’UE publie un document intitulé : « Une stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation ». Parmi les objectifs affichés étant « de soutenir le développement d’une économie solidaire afin que les voisins de l’UE puissent exercer des activités commerciales, investir et se développer de manière durable, en réduisant les inégalités sociales et régionales, en créant des emplois pour leurs travailleurs et en améliorant le niveau de vie de leur population ». Le déroulement effectif des négociations de l’Aleca avec la Tunisie montre que la recette proposée par les Européens est de nature à désarticuler l’économie de ce pays et à approfondir sa crise.
L’attachement des Européens à une approche libérale et leur volonté d’accélérer l’incorporation des secteurs économiques tunisiens dans l’économie européenne tout en profitant d’un rapport de force déséquilibré sont de nature à alimenter la crise. Les conséquences sociales et politiques de l’accentuation de la précarité en Tunisie ont une portée locale et régionale : émigration irrégulière, mouvements sociaux, radicalisation, etc.
L’Europe doit sortir de sa vision européocentriste et prendre en considération la nature de l’économie tunisienne et les spécificités du tissu social tunisien. Le pays doit engager au préalable des réformes structurelles pour lutter contre la corruption, pour réaliser un développement des régions de l’intérieur et pour lutter contre l’économie parallèle qui affaiblit les recettes de l’Etat. En outre, les défis écologiques et la nécessité de réaliser une transition énergétique doivent être au cœur des négociations.
La Tunisie dispose d’un patrimoine culturel riche que les deux parties peuvent mettre à profit pour chercher une alternative au tourisme balnéaire, aujourd’hui agonisant. La réflexion commune sur l’appui des PME qui travaillent dans le secteur de développement durable et du commerce équitable est indispensable pour atténuer les effets dévastateurs de situation actuelle. L’UE ne doit pas perdre de vue que sa participation à la mise en échec d’une démocratie naissante pourrait conduire à des dérives difficiles à canaliser.