Nicolas Roux :
Les accords bilatéraux de commerce et d’investissement sont responsables de quelques-uns des plus grands crimes environnementaux à travers le monde. Ils encouragent et assurent la protection de grands projets miniers, l’exploration et de l’extraction des énergies fossiles qui causent des ravages sur notre environnement. Et de l’Alaska à l’Australie, les communautés locales doivent faire face aux conséquences de ces projets d’investissement soutenus par des accords dits de « libre-échange » (ALE) ou des traités bilatéraux d’investissement (TBI), négociés entre deux gouvernements ou plus.
Les ALE comprennent en général, des chapitres qui garantissent un accès aux énergies fossiles, telles que le pétrole ou le gaz. Par exemple, le chapitre sur l’énergie de l’Accord de libre-échange nord américain (ALENA), qui concerne le commerce des produits énergétiques entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique, a facilité le commerce de sources d’énergie dangereuses pour l’environnement en obligeant le Canada à maintenir une part fixe des exportations de l’énergie, dont le pétrole et le gaz, vers les Etats-Unis. Ce type de règles élargit le marché des énergies sales et fait la promotion des projets extractivistes responsables du changement climatique.
Les protections étendues de l’investissement, prévues dans les ALE et les TBI, présentent aussi une menace sérieuse pour la justice environnementale. Les règles d’investissement des ALE et des TBI accordent des immenses privilèges aux multinationales aux dépens de l’intérêt public. Ces privilèges, par exemple, se dénomment « norme minimale de traitement » ou « traitement juste et équitable », termes vagues utilisés par des tribunaux arbitraux d’investissement pour obliger des gouvernements à payer une compensation à des investisseurs étrangers, lorsqu’un changement règlementaire dans un Etat va à l’encontre des « attentes légitimes » de l’investisseur.
En général, les ALE et les TBI prévoient la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat (ISDS, en anglais) auquel les investisseurs étrangers peuvent avoir recours s’ils estiment qu’une nouvelle mesure, telle que restreindre l’extraction d’énergie fossile ou réguler une exploitation minière, a violé un de leurs droits considérables. Avec l’ISDS, un investisseur étranger peut contourner les cours de justice nationale, et porter l’affaire devant un tribunal arbitral composé de trois avocats privés, qui ne sont liés ni à une jurisprudence ni à un système d’appel. L’investisseur peut demander une compensation, aux frais du contribuable, pour des profits hypothétiques qu’il aurait gagnés sans l’adoption de la nouvelle mesure.
Si le mécanisme de l’ISDS existe depuis plusieurs décennies, son recours par les multinationales a explosé ces dernières années. A ce jour, des géants de l’énergie, tels que Exxon Mobil, Shell, Chevron, BP et Occidental Petroleum, ont initié presque 900 litiges contre plus de 100 gouvernements. Les multinationales utilisent de plus en plus l’ISDS de ces accords pour remettre en cause les politiques environnementales. Près de la moitié des litiges initiés ont concerné des investissements effectués dans les domaines de l’énergie et des ressources naturelles.
Le projet d’accord UE-Tunisie contient un chapitre sur l’énergie et les matières premières et serait donc dans la lignée du modèle pro-business promu par les ALE, menaçant la capacité à revitaliser les économies locales et à accroître l’utilisation des énergies propres.