Le forum tunisien des droits économiques et sociaux, section du bassin minier :
La lutte continue pour le droit à l’eau potable à Redeyef.
La ville de Redeyef a vécu cet été des journées de soif qui ont dépassé trois jours successifs. Cette vague de soif a touché principalement les zones hautes de la ville notamment les quartiers de Sidi Abdelkader, cité Maghreb arabe, cité des travailleurs, où les habitants ont souffert de ces perturbations continues et incompréhensibles.
Dès l’année dernière, nous avions prévenu que ce problème ne serait pas résolu malgré toutes les promesses présentées par la SONEDE et par les responsables à l’échelle locale ou à l’échelle nationale. En réalité, on observe un manque de sérieux sur cette problématique de la part des autorités, qui ne tiennent pas leurs promesses.
Appel au sit-in et négociations avec les autorités :
Ainsi, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, section du bassin minier, a fait appel pendant le mois de mai 2019 à un sit in dans l’administration de la CPG à Redeyef, pour envoyer un message simple aux responsables. L’objectif était de leur faire comprendre qu’il était intolérable que les coupures et la soif des années précédentes se répète cette année.
Il est important de noter que cette protestation vise la CPG pour la simple raison qu’elle a les moyens de garantir l’approvisionnement en eau potable aux habitants. A l’inverse de la Sonede, incapable de couvrir ce service bien qu’elle en soit le premier responsable.
Suite à ce sit-in, qui n’a pas duré qu’une demi-journée, le chef de siège de la CPG de Redeyef nous a reçu dans son bureau pour parler de la problématique de l’eau potable, notamment pour les zones hautes de la ville.
Le FTDES, représenté par le président de la section, Mr Tarek Hlaymi, a proposé de garder la même convention que l’année dernière, qui avait atténué le taux de coupures. C’est-à-dire que la CPG doit soutenir la Sonede par le pompage de l’eau de ses forages durant 6 heures successives par jour, à destination des quartiers sinistrés.
Après cette manifestation, nous avons vécu une période de stabilité, puis les coupures ont repris. Le 24 juin, suite à un appel du FTDES, les habitants des zones hautes sont à nouveau descendus pour protester contre ces violations de leur droit à l’eau.
Nouvelle négociation :
Lors de cette protestation, le préfet de Redeyef et le chef de siège de la CPG de Redeyef ont appelé le président de la section du FTDES pour voir comment dépasser cette problématique et trouver des solutions qui garantissent à la fois l’approvisionnement en eau aux habitants et le fonctionnement de la laverie.
L’appel à la négociation était un sujet d’un débat avec les protestataires. Pour nous, il est important que chaque citoyen assume sa responsabilité et il faut qu’on soit convaincu tous qu’on est en train de lutter pour notre droit constitutionnel.
Ainsi, un groupe a été choisi pour mener la négociation pendant que le reste des protestataires continuaient le sit-in dans l’administration de la CPG.
Lors des pourparlers, le chef de siège de la CPG a affirmé que la compagnie est consciente du problème et qu’elle fait tout ce qu’elle peut pour garantir la desserte de l’eau aux habitants mais, qu’elle rencontre des problèmes récurrents (problèmes fonciers pour la construction d’un nouveau forage, problèmes avec quelques agriculteurs qui demandent de la CPG de les aider dans l’irrigation des oliviers, les raccordements illicites…).
Le préfet a quant à lui assuré que le nouveau forage de la Sonede serait prêt le 10 juillet. Il a insisté sur le fait que les blocages de la part des habitants ont aggravé le problème de la soif à Redeyef.
Bien que les affirmations du préfet et du chef de siège soient vraies, ce n’est pas notre problème : c’est à l’Etat, à travers ses moyens, de résoudre ces problèmes, d’appliquer la loi et d’assurer le droit constitutionnel des citoyens à l’eau. Ainsi, plutôt que de discuter de ces détails qui ne nous intéressent pas, nous avons préféré insister sur l’application de la convention de l’année dernière pour garantir la continuité du travail dans la CPG et en même temps l’approvisionnement de l’eau pour les zones hautes.
Retour de la crise :
Après ces dernières négociations, le chef de siège a désigné un ouvrier de la compagnie qui aura pour mission la coordination entre la CPG et le Sonede notamment au niveau des heures de pompage. En même temps, nous avons choisi des représentants de chaque quartier sinistré pour faire une réclamation lors de chaque coupure.
Durant cette période, on a remarqué une flexibilité au niveau de l’approvisionnement de l’eau : les coupures enregistrées ne dépassaient pas quelques heures et elles ne posaient pas beaucoup de malaise parce que les habitants sont conscients que la problématique est plus complexe. Donc, on est obligé d’accepter ces perturbations jusqu’à trouver des solutions radicales.
Le 26 juin, dans une température qui a atteint 50°C, nous avons été surpris par le retour de la crise : pas d’eau dans les zones hautes et les habitants des quartiers sinistrés ont commencé à exprimer leur colère. La tension allait augmentant car tous ont senti que les engagements précédents n’étaient que de simples calmants.
Il a donc été décidé de bloquer l’ensemble de la CPG. Les habitants, suite à un appel du FTDES sur facebook, envahissent la laverie et bloquent toutes ses activités. Le slogan principal levé est « l’eau est une priorité pour les habitants et non pas pour le phosphate ».
Le président de la section du bassin minier a reçu des appels de la part du préfet et de la part du chef de siège pour revenir aux négociations mais sa réponse fut claire : « vous n’êtes pas à la hauteur de la responsabilité, vous n’êtes pas sérieux. Assumez la responsabilité de tout ce qui va se passer ».
La décision est prise : pas d’eau pour le lavage de phosphate. Ainsi, depuis cette manifestation, l’approvisionnement en eau se fait d’une manière continue.
Enseignements suite à ces manifestations et ces sit-in :
- Le FTDES est conscient que le premier responsable de l’approvisionnement de l’eau est la Sonede.
- La Sonede continue de ne pas tenir ses promesses. Deux forages devaient être prêts pour l’été, puis un au 10 juillet. Aucun n’est opérationnel.
- La CPG, puisqu’elle exploite, lors du lavage de phosphate, l’eau potable est appelée à soutenir la Sonede notamment dans les périodes de crise. C’est inacceptable, sur tous les niveaux, de priver les habitants de l’eau potable et l’utiliser pour le lavage de phosphate.
- Préparation d’une plainte collective contre la Sonede ; le FTDES va se charger de cette plainte en coordonnant avec un avocat.