Tunisie le 08/08/2022
L’Etat tunisien victime de prédominance sécuritaire
La Coalition civile pour la liberté, la dignité, la justice sociale et l’égalité a été choquée par la suspension du One man show de Lotfi Abdelli par certains agents de sécurité au Festival international de Sfax dimanche soir. Afin de justifier ce comportement, ces agents de police ont prétexté l’existence de passages qui “rejettent les institutions sécuritaires et se mobilisent contre elles” dans un précédent rarement vu dans l’histoire de notre pays, privant des milliers de citoyens de suivre un show pour lequel ils ont déjà payé.
Des enregistrements vidéos ont documenté les tentatives horribles, honteuses et à répétition afin de gâcher la représentation théâtrale par des syndicalistes et des agents de la sureté allant d’attaques et d’insultes envers l’acteur, en lançant des bouteilles et en prenant la scène d’assaut, jusqu’à l’agression de journalistes et de photographes qui ont documenté l’incident et la suppression de vidéos les condamnant.
Ce qui s’est passé est un crime très grave digne des groupes voyous et des milices de l’époque d’avant l’état de droit qui, au lieu de sécuriser un spectacle artistique et de protéger le public, se sont transformés en une véritable menace pour l’activité culturelle et les milliers de spectateurs, en totale contradiction avec les lois et coutumes, rappelant les milices de protection de la révolution et des groupes salafistes sous le règne de la troïka.
Précédemment, l’opinion publique, la société civile et les politiciens avaient mis en garde contre les violations sécuritaires qui avaient réduit la confiance des citoyens dans les institutions de la sécurité. Ce qui s’est passé hier par contre, élimine carrément le dernier espoir d’avoir une sécurité républicaine, ouvre grand les portes à l’État policier et légitime l’entrée dans une phase de chaos et de violence sans précédent qui peut saper tout ce qui a été réalisé après la révolution.
De ce fait, la Coalition civile pour la liberté, la dignité, la justice sociale et l’égalité, sur la base de ce qui précède, souhaite confirmer ce qui suit :
– Le champ du traitement de l’acte artistique et culturel, quelle que soit sa complexité ou notre évaluation de celui-ci et nos différences à son sujet, est l’espace public, avec des discussion, de l’enrichissement, de critique et, dans les cas les plus extrêmes, devant la justice. Quant à l’exploitation de l’État via ses forces de l’ordre et de protection pour punir immédiatement les créateurs, c’est totalement inacceptable et criminel ; ça doit cesser immédiatement afin que ça ne se transforme pas en un fait accompli qui légitime la milice et la violence.
-Le ministre de l’Intérieur porte l’entière responsabilité de ce qui s’est passé, d’autant plus que ce n’était que la continuation des crimes, pratiques et politiques qui se sont enracinés ces dernières semaines et qui menacent l’expérience démocratique et sapent les acquis de la révolution. Cette menace se traduit par des agressions contre des manifestants en prétextant des fausses accusations contre eux, l’omerta sur les publications de procès-verbaux et de données personnelles sur les réseaux sociaux, la diffamation de personnalités publiques et la nomination d’employés à des postes élevés alors qu’ils sont soupçonnés de répression et de torture dans le ancien régime et pour suivis devant la justice.
– L’appel au Président de la République à assumer sa pleine responsabilité dans cette dérive dangereuse et rapide de l’appareil sécuritaire vers l’arrogance et la criminalité, et à user des pouvoirs absolus qu’il détient pour rassurer l’opinion publique et prendre les décisions administratives, politiques et morales de responsabilisation requises à cette étape.
-La nécessité pour toutes les forces civiles de notre pays d’assumer pleinement leurs responsabilités, avec urgence, rigueur et vigilance, afin de jouer leur rôle national et nécessaire pour faire face aux tentatives de manipulation de la sécurité, des droits et libertés des citoyens, et d’exploitation des conditions difficiles de notre pays pour légiférer la monopolisation des institutions sécuritaires de la vie publique.
La Coalition Civique pour la Liberté, la Dignité, la Justice Sociale et l’Egalité